●●●●○ « L’ange du matin »

L'ange du matinL’Islande, cette terre glaciale où éléments et paysages reflètent la beauté du sombre, possède quelques noires pépites. Derrière Arnaldur Indridason qui propose des polars où la déprime lutte avec le blues, noirs, tristes et étonnamment attachants, se cachent, de moins en moins, Viktor Arnar Ingólfsson, Ólafur Haukur Símonarson et surtout Arni Thorarinsson et son écriture lumineuse. Ce dernier qui m’avait séduit avec le « septième fils« , revient avec « L’ange du matin ». Arni Thorarinsson dépeint la même déprime qu’Arnaldur Indridason, mais en beaucoup plus rock.
Je m’explique ; dans son dernier opus, il décrit la société islandaise touchée de plein fouet par le fléau de l’ultralibéralisme avec ses corollaires que sont faillites, précarité, vols, meurtres, paillettes et show-business avec humour et pointe d’optimisme qui font que la vie vaut la peine d’être vécue malgré tout. Son personnage fétiche, le journaliste Einar, revenu de l’alcool, mais toujours solitaire, papa poule, insomniaque et hyperactif enquête sur deux affaires simultanément qui le touchent directement. Le Journal du Soir ayant quelques difficultés financières a réduit ses effectifs et le contraint à cette gymnastique particulière : l’ubiquité… voici donc Einar à cheval entre Akureyri, ville du nord, où il porte assistance à une postière agressée qui va rapidement décéder et Reykjavík, où il assiste à la chute des nouveaux vikings, ces conquérants de l’inutile qui ont réussi à ruiner l’Islande.
Heureusement, celle-ci s’en est brillamment sortie en traitant avec beaucoup de mépris les intérêts des spécialistes du genre, les banquiers, comme ne cessent de nous le taire nos quotidiens nationaux. Terminons cet aparté politiquement incorrect et totalement hors-sujet pour revenir à « l’Ange du matin ». À Reykjavík, Einar enquête sur le rapt de la fille d’un de ces vikings, qui affole l’ensemble de la capitale totalement inaccoutumée à ces mœurs sauvages et suit à distance la biographie que consacre une de ses collègues à une ex-idole du rock. La musique est toujours présente dans les livres de Thorarinsson. « L’ange du matin », qui personnellement me renvoie à Daniel Darc ou à Chrissie Hynde est la chanson titre de sa bande son.
Entre magouille politique, affairisme cupide, perdition de la jeunesse et solidarité de la société islandaise, Einar nous montre les facettes de ses personnages, dont certains connus depuis « Le septième fils ». La société est fortement impactée économiquement, moralement, violemment… « Des monstres écument la vile et nous en sommes les géniteurs », la société est d’autant plus impactée que l’Islande est une île « …Nous sommes tellement imbriqués les uns dans les autres (…). Dès que les grosses fortunes et les incapables politiques sont tombés, nous nous sommes tous engouffrés avec eux dans le trou ».
La saga du géant en fil rouge, l’extrême délicatesse et la petitesse de cette grande île où tous les gens sont unis, par la proximité, les échanges, les familles, des dénouements inattendus, glauques ou facétieux, font le charme de ce polar et prouve que Thorarinsson monte en puissance au fil de son œuvre.

Quelques maximes à retenir :
« …si vous devez un peu d’argent à la banque, c’est elle qui vous possède alors que si vous lui en devez beaucoup, c’est vous qui en êtes le propriétaire ».
« Parfois, les criminels sont innocents ».

Arni Thorarinsson – L’ange du matin – Métaillié 2012

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