Enfin, nous avons droit aux traductions des aventures de Karl Kane, le détective créé par Sam Millar. « Les chiens de Belfast » (en VO « Bloodstorm » ! mais pour une fois, traduction fidèle à l’esprit), nous présente donc Karl Kane, détective de son état, fauché mais affligé d’une charmante partenaire au taf comme au lit, bon buveur, peu élégant et assez désabusé (« borderline pseudo-flic »). « Comment, encore un détective looser ? banal ! », me direz-vous. Point du tout. D’abord, Kane trimbale un drame familial qui le hante au quotidien, ensuite Kane a des problèmes avec son trou du cul, ce qui d’emblée nous place le personnage assez haut dans le tragicomique, enfin, ce personnage a toutes les chances de perdurer et de devenir aussi célèbre qu’un Philip Marlowe ou un Harry Hole.
« Les chiens de Belfast » commence par la scène atroce d’une femme violée et laissée en pâture à des chiens errants. Puis apparaît Karl Kane, perturbé par un cauchemar récurrent (le meurtre de sa mère et son incapacité à tuer le meurtrier), qui est missionné pour trouver qui commet des crimes sur d’anciens gardiens de prison. Les images sont fortes, sombres, mais toujours décrites avec un humour cynique qui nous emmène rapidement au rire. Sam Millar nous peint des portraits de monstres et de victimes avec réalisme (tant ces deux genres sont humains), une scène de chasse glaciale et une visite chez le proctologue désopilante.
Millar s’éclate avec Karl Kane, nous envoyant autant de crimes affreux et crapuleux à la figure que d’humour et de traits d’esprit. C’est là que l’on voit que Sam Millar est non seulement une personne à la vie riche et cabossée, mais surtout qu’il est un grand écrivain. Après nous avoir contée sa vie, nous avoir présentée Belfast avec « Redemption Factory« (le meilleur à mon sens) et « Poussière, tu seras », il continue son chemin d’écrivain avec Karl Kane, pour dénoncer la corruption permanente des élites et des flics, le tortueux parcours de sa ville, nous montrer la noirceur et les quelques beautés de l’âme humaine. Brillant, tout simplement. J’attends avec impatience les traductions des trois dernières aventures de Karl Kane déjà parues de l’autre côté de la Mer d’Irlande (« The Dark Place », « Dead of winter », « Past Darkness »), ainsi que « Dark Souls » et espère que les pièces de théâtres écrites par Sam Millar (« Brothers in Arm » et « Rain ») seront jouées par chez nous. Toute l’œuvre de Sam Millar est fortement influencée par sa vie, de la disparition de sa mère à ses années de taule mais quel talent d’avoir su tirer de tels bouquins d’un passé si difficile.
Une anecdote sur le nom de Karl Kane, cité par Sam Millar qui devrait achever de vous dérider :
« Au tout début, j’essayais de trouver un bon nom pour mon détective privé, et finalement j’ai décidé de lui donner le nom d’un ordonnateur de pompes funèbres d’ici à Belfast. Il a été si honoré qu’il a dit qu’il me fabriquerait un cercueil spécial quand je mourrai ! »
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Sam