●●●●● Réveillez le mort

Le deuxième opus traduit chez nous de Roger Smith est de la dynamite. « Wake up dead« , titre original malheureusement très mal traduit par Calman-Lévyn (« Blondie et la mort »), traite de la vie à Cape Town avec encore plus d’acuité et de violence que ne l’ont fait Deon Meyer ou Caryl Ferey. Les morts pleuvent dans les Flats, les survivants s’entretuent sous la Table et le Lion, on revoit le Cap et sa géographie discriminante au fil des pages, on y croise sa formidable énergie, son attrait international, ses townships où l’on rêve de banlieue et où les oubliés survivent au gré des gangs et de leurs sons respectifs, entre deux doses, entre deux crimes. Roger Smith est un grand, sans doute le plus grand aujourd’hui pour nous raconter le Cap et son chaos permanent. L’histoire démarre sur les chapeaux de roues d’une décapotable luxueuse, où une blonde (d’où le titre en V.F.) commence à entrevoir l’aspect immoral de la vengeance, passe par la guerre des gangs au sein des flats par l’intermédiaire d’un ancien flic, paria survivant du ghetto, par le trafic d’armes, le blanchiment d’argent, le commerce de drogues, les prisons du Cap et leurs lois internes, et s’achève sur le dernier crime d’un serial killer… On retiendra que Roger Smith ne tire aucune morale des évènements et a un regard pessimiste sur la société du Cap.
Cette absence de morale rend, on ne peut plus crédible, l’histoire de « Wake up dead ». Les flics intègres, les enfants – innocents par définition -, la veuve d’un vieil héros, la malheureuse prostituée ukrainienne, l’esclave sexuel d’un chef de gang, quelques jolies blondes sont tous assassinés ainsi que de vrais méchants (trafiquant d’armes, chef de gang, dealer, flic ripou, petits délinquants…) ; seuls s’en sortiront un mercenaire, tueur d’enfant, et une blonde assassine. Chez Roger Smith, les héros sont morts et seuls les pourris s’en sortent, même si ce sont les moins pourris. La société est décrite avec perspicacité et sans fioritures. Chacun ne pense qu’à sa peau, à son fric, au mépris des autres. La violence est partout, inhumaine et quotidienne. Pas d’échappatoire au déterminisme social. Pas de concession dans ce vrai polar, noir comme la mort.
Le style est fluide, coulant, rendant l’histoire encore plus atroce. Roger Smith est la face sombre du Cap, Deon Meyer, celle de l’optimisme, deux afrikaners avec une vision opposée, mais une description identique des maux de la magnifique ville du Cap. À lire d’urgence, en n’omettant pas de relire le premier livre traduit de Roger Smith « Mélanges de sangs ».

Roger Smith – Blondie et la mort – Calman-Lévy 2012

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