●●●●○ Cape Town, reflets du monde

Une fois n’est pas coutume, je reviens sur un livre paru en 2008, « Zulu » de Caryl Ferey dont l’action se déroule à Cape Town, Le Cap, Kaapstad ou iKapa, autant de dénominations que de visions d’un monde, celui de cette ville associé à la Bonne Espérance d’un voyage sur des mers plus tranquilles… Ce roman noir, vraiment noir traite au-delà d’une intrigue assez classique (enquête sur un, puis deux meurtres de jeunes femmes issus des classes aisées) de la fragmentation de notre monde, caricaturée au sein du Cap et d’un après-apartheid pas près d’être digéré, en quelques mots de notre difficulté à savoir reconnaître l’autre. Le livre est brillant, socialement, historiquement et géographique très renseigné, on sent que Caryl Férey connaît la ville autrement que comme vacancier. Il nous entraîne de la pauvreté de Khayelitsha (dans le Cape Flats) aux plages idylliques (enfin, plutôt diaboliques) de Muizenberg en passant par toute la géographie du Cap (Somerset, Woodstock, Camps Bay, Table Mountain…). L’intrigue, débutée par un traumatisme, engrangera des actes de violences au fil des pages pour s’achever, après un bain de sang dans un duel sans vainqueur. Noir, vous dis-je. Mais tellement de doigts pointés sur les aberrations et abominations de la société sud-africaine, nous touchent car là-bas est ici, certes de manière plus insidieuse. La misère engendrant toutes sortes de violences est mise en exergue au travers des drogues, des viols, des meurtres pour aboutir au paradoxe de la négation de la vie. Les portraits des personnages sonnent vrais en commençant par l’équipe d’enquêteurs dépositaires de l’Histoire du pays qui réussit l’exploit de réunir sous les ordres d’un zoulou xhosa brillant bien que mort depuis longtemps, un afrikaner anti-apartheid anarchisant et un britannique homosexuel refoulé, véritable équipe qui construit l’utopique future société du Cap… ou d’ailleurs, même si tout porte à croire au travers des lignes que celle-ci n’est pas pour demain. Un bouquin – sans doute écrit aux sons de Rage Against the Machine – à relire de temps à autre juste pour vérifier que la vision très noire de Caryl Férey n’est pas prêt de disparaître dans notre monde de plus en plus individualiste.

Caryl FéreyZulu – Gallimard 2008.
Pour ne pas terminer sur une note pessimiste, de belles choses se font au Cap…

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