●●●●○ Chirurgical et sans illusion, « Tortuga’s Bank »

tortuga-s-bank« Tortuga’s Bank » est un polar froid, réaliste, sans concession et brillamment efficace. Froid, car André Blanc nous décrit le monde imbriqué de la politique et des affaires, « (une République) corrompue, gaspilleuse, complaisante et veule… » où le pouvoir amène l’argent, où toute humanité a disparu. Reste la froideur de l’argent, l’insensibilité des êtres corrompus et la violence des crimes. Réaliste, car André Blanc est un ancien élu qui a su décrypter les magouilles politiques en les posant à plat, de manière chirurgicale, comme il pratiquait lorsqu’il était encore dentiste. Dans « Tortuga’s Bank », la précision est partout, dans les actes du quotidien de son héros intransigeant, le commandant Farel, dans les liens entre religion et culture, dans les circuits de l’argent sale, montrant la place des SEM dans le lien entre banques, promotion immobilière, urbanisme et enrichissement des huiles locales… impressionnant. Les descriptions ne sont jamais fastidieuses, tout semble d’une vérité absolue et devant cet environnement nauséabond, l’intrigue est tracée, là encore avec minutie et efficacité. On ne sort pas de ce roman avant la dernière ligne et surtout, on n’en sort pas forcément indemne. Le citoyen est choqué mais abasourdi par son incapacité à modifier cette société du fric.
Un livre bien écrit, qui puise son inspiration dans le parcours de son auteur, mais aussi dans sa connaissance du monde huguenot, nous emmenant de Berlin à Lyon en passant par Genève et ses quatre réformistes. Un livre très droit au travers de son héros, qui a pourtant un passé trouble et bouillonnant dans sa dénonciation des méfaits de la société, pourtant toujours très droite au travers du personnage de la juge Fournier. Heureusement, le livre n’aborde jamais le thème tous pourris, car même dans la description la plus noire des malfrats, André Blanc réussit à montrer leur humanité, l’incident qui a fait basculer leur vie.
En résumé, ce polar est excellent ; à cela s’ajoute, uniquement pour les lecteurs lyonnais, quelques repères géographiques et politiques pour qui sait lire entre les lignes, André Blanc a joué aux anagrammes pour plusieurs personnages avec lesquels, bien entendu, toute ressemblance serait fortuite. Un vrai plaisir, même si la dissection de notre bonne société nous laisse pantois.

André Blanc – Tortuga’s Bank – Jigal 2013

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